Le buraliste, meilleur ami du joueur ? Beaucoup de dépositaires de la FDJ ne sont pas loin de le penser vu les liens de complicité instaurés avec leurs clients. Comme tous les couples, ils connaissent avec eux, de grands moments de bonheur mais aussi des coups de Trafalgar avec parfois engueulades et vaisselle cassée. Témoignages, côté guichet…
Le bonheur, il se rencontre bien sûr lorsque la chance sourit à l’audacieux parieur à qui le buraliste annonce de jolis gains comparés à la mise de fond. Grégory, responsable d’un tabac PMU dans la région parisienne parle à ce sujet d’une joie communicative et du plaisir renouvelé à chaque fois qu’il ouvre son tiroir-caisse pour remettre au gagnant l’argent qui lui revient. Le plaisir est-il proportionnel à la somme perçue ? « Non » répond Martine, buraliste à Bordeaux, « j’ai de très beaux sourires pour 3€ et des mines renfrognées pour 300… les réactions sont imprévisibles. »
La confiance entre le joueur et le buraliste n’est pas toujours de mise et Séverine installée dans le Sud-Est en a assez qu’on la suspecte de ne pas verser la totalité des sommes gagnées : « la FDJ nous le déconseille, mais je remets au gagnant le ticket de caisse pour qu’il vérifie par lui-même que l’argent que je lui donne correspond bien au montant inscrit ».
Le meilleur des rapports entre joueurs et buralistes, c’est au moment de la vente des bordereaux et autres tickets : « là, ils sont prêts à nous décrocher la lune » constate Michel installé à Tours : « promis juré, ils vont partager leurs gains avec nous si nous leur vendons les billets gagnants. Les plus radins nous parlent de 5% et les plus généreux vont jusqu’à 50 %. On peut aussi partir avec eux en voyage ou partager un bon repas dans un restaurant étoilé » Michel constate qu’à ce jour toutes ces belles promesses sont restées vaines : « jamais aucun gagnant n’est venu me donner ma part et pour ne pas les mettre en porte à faux je me garde de rappeler leurs belles paroles lorsqu’ils viennent à la boutique ». Paroles, paroles chantait Dalida.
Comme en amour, les joueurs sont superstitieux et les buralistes en sont les témoins. Sylviane, propriétaire d’un tabac-presse à Mont-de Marsan s’amuse des habitudes de ses clients pour forcer la chance : « nous connaissons une petite mamie qui ne veut que moi pour acheter son loto. Si c’est mon mari qui est la caisse, elle n’entre pas dans la boutique et revient lorsqu’elle m’aperçoit ».
Il y a aussi le cas de ces joueurs supersticieux qui ne rejouent jamais avec l’argent récolté. Michel connait leur façon de faire : « lorsque je leur remets leurs billets, ils les mettent dans une poche et ressortent de l’autre, d’autres billets pour acheter de nouvelles grilles ».
Qui dit amour dit parfois aussi tromperie, celle de ces voleurs de carte de crédit (et du code) qui viennent dans les minutes après leur larcin pour tenter leur chance… A ce compte là, ils ne prennent pas de grands risques. « Cette clientèle de filous est difficile à détecter mais avec l’habitude on finit par les repérer et lorsque l’on refuse de les servir, ils déguerpissent sans demander leur reste, pour aller tenter leur chance ailleurs », témoigne René gérant d’un Tabac PMU à Lyon.
Qu’a pensé la grande famille des buralistes de la décision de la FDJ, de retirer à l’un d’eux en juillet, installé dans l’Oise, la vente de ses jeux, lui reprochant de ne pas avoir évité le suicide d’un joueur compulsif ? Sur la dizaine de professionnels interrogés, aucun n’a voulu défendre ce cas. Nicole, installée à Amiens, connaît bien ce dossier et prend ses distances. « Jamais je n’aurais agi de la sorte. Ce garçon est venu à maintes reprises jouer et vu les sommes engagées, mon confrère aurait dû mettre le holà. Les premières fois il s’est présenté avec des chèques de banque puis avec des chèques personnels qui se sont d’ailleurs retrouvés être en bois. Le buraliste, victime de sa propre négligence, il en est de sa poche pour plus de 60 000€ de perte de chiffre d’affaire. »
Le perdant est-il bon joueur ? « Pas toujours », constate Claudine de Nantes : « les joueurs qui comptent sur le gros lot pour finir le mois sont les plus agressifs. Les joueurs occasionnels sont plus philosophes mais ceux qui nous font le plus de peine, c’est toutes ces personnes qui constatent après coup que le tirage du loto correspond à leur date de naissance ou à celle de l’un de leurs enfants. Ah, s’ils avaient fait comme leur voisin ou leur collègue, ils seraient aujourd’hui milliardaire. »
Gagne-petit un joueur ? « Pas du tout » déclare Alain qui tient un bar-tabac à Nevers « plus les cagnottes du loto augmentent et plus les joueurs font la fine bouche avec les tirages ordinaires. Aujourd’hui, à 15 millions d’euros, beaucoup estiment que cela ne vaut pas la peine de se déplacer, à 80 millions ils daignent venir nous voir ! »
Qui a dit : quand on aime, on ne compte pas?
Dans tous les cas, comme l’indique la Française des Jeux elle-même, Restez Maitre du jeu, fixez vos limites !